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Au Tchad, l'armée est-elle nationale?

Blaise Dariustone
10 avril 2020

Alors que l’armée a annoncé le succès de sa contre-offensive contre les islamistes de Boko Haram, des Tchadiens s’interrogent sur la configuration de leur armée qu’ils qualifient d’ethnique, clanique et inféodée.

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Tschadische Soldaten bei Rückkehr aus Mali 13.05.2013 mit Präsident Idriss Deby Itno
Image : STR/AFP/Getty Images

Succès Masra "Il y a une inflation du nombre d’officiers supérieurs"

Au lendemain de l’attaque terroriste ayant entrainé la mort d’une centaine de soldats tchadiens, la Convention tchadienne de défense des droits de l’homme (CTDDH) s’est interrogée sur les causes de cette tragédie. 

Selon la CTDDH "les injustices et les discriminations" au sein de l’armée tchadienne seraient à l’origine de ce manque d’efficacité.

A cela s’ajouterait, toujours selon la CTDDH, les nominations de civils proches du chef de l’Etat Idriss à la tête des différents détachements de cette armée et leur promotion au grade de général.

Pour beaucoup de Tchadiens, l’armée de leur pays a une architecture clanique avec une pléthore de généraux. Ceux-ci sont souvent nommés non pas pour leur compétence mais en raison de leur proximité avec le président Idriss Déby Itno.

Narcisse Laldjim : "Tout le monde dit que l’armée est clanique"

"Tout le monde dit que l’armée est clanique. Le président de la République en est conscient et il prendra certainement en compte ces critiques et d’ailleurs ce sont des critiques qui vont dans le bon sens. On a assisté à la distribution de grades à des personnes qui ne sont pas passées par des académies militaires. Le président, qui est militaire de formation, pourquoi privilégie-t-il beaucoup plus les gens de son camp ?  400 voire 500 généraux pour une armée de 40.000 ou 50.000 hommes c’est trop. Le président de la République, en tant que militaire de formation, doit pouvoir revoir ça. Et ne pas donner ainsi des grades aux civils pour leur faire plaisir‘", affirme l’analyste politique Narcisse Laldjim.

Succès Masra, leader du parti "Les transformateurs", un parti d’opposition partage cette appréhension.

Idriss Déby Itno (au milieu) en compagnie son fils Mahamat Idriss Déby Itno (à droite) et du chef du contingent tchadien au Mali, le général Oumar Bikimo (archives)
Idriss Déby Itno (au milieu) en compagnie son fils Mahamat Idriss Déby Itno (à droite) et du chef du contingent tchadien au Mali, le général Oumar Bikimo (archives)Image : STR/AFP/Getty Images

"C’est vrai, il y a une inflation du nombre d’officiers supérieurs. Est-ce que c’est la meilleure manière de célébrer l’armée ? Je ne le pense pas. Ces centaines de généraux sont à comparer à l’armée camerounaise par exemple qui en compte une vingtaine pour une population deux fois plus importante que la nôtre et avec plus de moyens financiers que la nôtre. Est-ce soutenable, une armée dont la tête est plus grande que le corps ?", s’interroge l’ancien économiste en chef à la Banque africaine de développement (BAD).

Armée nationale

Pour sa part, Jean-Bernard Padaré, secrétaire général adjoint, chargé de la communication,  et porte-parole du Mouvement Patriotique du Salut (MPS) au pouvoir indique que "le président (Idriss Déby Itno, ndlr) sait pourquoi il élève x ou y au grade de général. S’il n’avait pas des raisons professionnelles, il n’élèverait jamais ces gens-là. Je répète qu’il s’agit d’une armée nationale et vous savez très bien qu’il y a des communautés qui ne veulent pas aller dans l’armée. Par exemple, la mienne : vous demandez aux jeunes Moundangs d’aller dans l’armée, ils refusent. Ils préfèrent aller étudier, ils ont peur. Alors, si les autres veulent y aller en quoi c’est clanique ? Est-ce que ceux qui sont taxés de clanique dans l’armée défendent seulement leur communauté ? Ils défendent tous les Tchadiens ! S’ils meurent au combat, leurs parents gagnent quoi ? Ces jeunes combattent au nom du Tchad et on doit les encourager."

Jean-Bernard Padaré : "Le président Idriss Déby Itno sait pourquoi il élève x ou y au grade de général"

Des djihadistes tués

L'opération militaire lancée contre la secte islamiste Boko Haram au Lac Tchad a coûté la vie à "52 militaires tchadiens", selon le porte-parole de l'armée tchadienne,  le colonel Azem Bermendoa Agouna, affirmant qu'un millier de djihadistes ont été tués.

Déployée le 31 mars, l'armée tchadienne a achevé son opération mercredi (08.04.20), sous le commandement du président Idriss Déby Itno, qui voulait venger la centaine de militaires tués dans une attaque de Boko Haram le 21 mars sur la presqu'île de Bohoma, la pire défaite subie en une journée par son armée.

Au-delà de ses frontières, l'armée tchadienne a poursuivi Boko Haram "en profondeur sur le territoire du Niger et du Nigéria, en attendant que leurs troupes prennent le relais" dans cette région frontalière, a assuré le porte-parole.

"Le Tchad est seul à supporter tout le poids de la guerre contre Boko Haram", s'est plaint le président Idriss Déby Itno, le week-end dernier.

Vue arienne de N'Djamena
Blaise Dariustone Correspondant au Tchad pour le programme francophone de la Deutsche Welledw_francais