Coup de filet en Allemagne contre un réseau de passeurs
4 décembre 2024En Allemagne, la police allemande et française mènent depuis ce mercredi matin (04.12) une opération contre un réseau de passeurs kurdo-irakiens. Des centaines d'agents sont mobilisés dans les régions de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans l'ouest du pays, et dans le Bade-Wurtemberg, dans le sud de l'Allemagne.
Ce réseau est soupçonné d'organiser les traversées clandestines de la Manche de personnes migrantes entre la France et le Royaume-Uni.
Il s'agit de "gangs qui recourent à la menace et à la violence pour parquer des êtres humains dans des canots pneumatiques" : ce sont les termes de la ministre allemande de l'Intérieur, Nancy Faser, pour commenter les arrestations et les perquisitions de plusieurs maisons et entrepôts en Allemagne.
L'Allemagne comme base arrière logistique
Une longue enquête du média public britannique BBC, pour laquelle un journaliste s'est fait passer pour un migrant syrien en caméra cachée, a montré comment des canots pneumatiques sont stockés dans des entrepôts en Allemagne, pour ensuite rejoindre la côte française.
L'Agence britannique de lutte contre la criminalité (NCA) confirme ainsi que l'Allemagne est devenue un lieu central pour le stockage de bateaux et de moteurs utilisés pour les traversées de la Manche.
Selon l'Observatoire des migrations de l'Université d'Oxford au Royaume-Uni, depuis 2018, les ressortissants de cinq pays - l'Iran, l'Albanie, l'Irak, l'Afghanistan et la Syrie - représentent les deux tiers des personnes qui traversent la Manche à bord de petites embarcations.
Les prix de la traversée peuvent s'élever à plusieurs milliers d'euros. L'ONG Utopia 56, basée à Calais, explique que les passeurs adaptent leurs tarifs aux origines des personnes migrantes, de façon à maximiser le nombre d'embarcations et donc leurs bénéfices.
Ainsi, un Albanais ou un Syrien va par exemple payer davantage qu'un Afghan ou un Soudanais.
Des traversées de plus en plus risquées
D'après Europol, qui est l'agence européenne de police criminelle, un précédent coup de filet dans le réseau de passeurs irakiens et syriens avait montré que ces derniers percevaient entre 1.000 et 3.000 euros par personne qui montait à bord d'une de ces dangereuses embarcations.
Depuis le début de l'année, au moins 72 personnes sont mortes en tentant de rallier l'Angleterre par la mer depuis le littoral français. 2024 sera l'année la plus meurtrière depuis 2018 et le début du phénomène appelé "small boat” au Royaume-Uni : les traversées de la Manche à bord de petits canots pneumatiques motorisés.
Les passeurs surchargent ces canots, ce qui augmente le risque de submersion.
En France, la Premar, la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, explique au site d'information sur la migration InfoMigrants que les passeurs "jouent avec les limites". Un porte-parole constate "une évolution claire des prises de risques dans la Manche. Les passagers sont de moins en moins équipés en moyens de survie, type gilets ou brassières de sauvetage".
Ce mauvais approvisionnement en équipement est amplifié par les démantèlements des filières. Et lorsque l'on ne sait pas nager, le danger est immédiat. La plupart des décès cette année ont eu lieu à moins de 300 mètres des côtes.
Les Kurdes dominent le trafic
Enfin, un rapport de l'ONG Global Initative insiste sur l'importance des réseaux de trafic kurdes, qui ont "pris le contrôle des principaux points d'embarquement côtiers dans le nord de la France" depuis quatre ans. D'autres nationalités travaillent sous leurs ordres.
Les réseaux de passeurs kurdes irakiens ont pris le dessus sur les kurdes iraniens, qui se partagent la côte au nord de la France, de Dunkerque à Boulogne-sur-Mer. Chacun opère sur son territoire. Et les portions de côte sont elles-mêmes partagées en fonction des régions d'origine des passeurs.
La présence des passeurs kurdes s'explique en partie historiquement. La communauté kurde vit en Irak, en Iran, en Syrie et en Turquie. Sa volonté d'obtenir un Etat indépendant a "entraîné diverses formes de répression et de persécution, ce qui a entraîné l'exode des Kurdes vers l'Europe et ailleurs, créant des communautés de diaspora" qui, à leur tour, motivent d'autres mouvements migratoires.