Fin de la lune de miel entre le Tchad et la Chine
20 janvier 2012Confrontées à des pénuries qui touchent la population, et à une grogne sociale, les autorités tchadiennes n'ont pas réussi à s'entendre avec Pékin sur le prix du pétrole. Alors le président Idriss Deby Itno a recouru à la manière forte en ordonnant, en plus de la fermeture de la raffinerie, le renvoi de son directeur chinois.
Une décision en forme de coup de tonnerre, quand on sait que c'est Idriss Deby Itno lui-même qui avait inauguré le site en juin dernier, le présentant comme une chance pour le pays de renforcer son indépendance énergétique.
Dans les faits, le contrat d'exploitation réservait 60% des revenus à la société chinoise de gestion et seulement 40% à l'Etat tchadien. D'ailleurs, les autorités de N'Djamena sont confrontées depuis plusieurs semaines à une grogne montante de la population, qui ne comprend pas comment le prix à la pompe du carburant peut-être aussi élevé alors que les gisements de pétrole se trouvent sur leur territoire national. A telle enseigne d'ailleurs que beaucoup d'habitants de la capitale ou du sud du pays préfèrent aller faire le plein au Cameroun. Quoiqu'il en soit, le président tchadien a réuni ce matin plusieurs acteurs du secteur des hydrocarbures pour remédier à la pénurie artificielle qui touche le pays. Le chef de l'Etat a rappelé à l'ordre les partenaires chinois et déclaré que « personne ne doit s'amuser avec les intérêts du Tchad ».
Un partenariat pas si « gagnant-gagnant » qu'escompté
Longtemps aux mains de sociétés occidentales, de plus en plus de mines et gisements africains sont désormais exploités par de grandes compagnies chinoises. Le Tchad, comme l'Angola, la RDC, le Soudan, le Gabon ou la Guinée équatoriale, pour ne citer que ces exemples, ont signé des contrats qu'ils espéraient « gagnant-gagnant » avec la Chine, réputée moins regardante sur les conditions de travail, notamment. Les contrats pétroliers ou miniers sont souvent assortis de promesses dans le secteur des infrastructures. Ainsi, le village de Djermaya, où se trouve la raffinerie fermée, devait être doté d'un aéroport international et de nouvelles routes d'accès.
Or force est de constater qu'ils profitent surtout aux Chinois, qui en retirent le plus de bénéfices, tout en faisant travailler leur propre main d'œuvre sur place. Les populations, comme au Tchad, ne ressentent pas davantage les effets bénéfiques de cette coopération qu'avec les grands groupes occidentaux, en matière de carburant ou d'électrification. Alors cette crise au Tchad ouvre peut-être la voie à une redéfinition des contrats de coopération. A noter que cette décision du chef de l'Etat arrive à point nommé, à deux jours d'élections municipales dans le pays.
Ecoutez ci-dessous l'analyse de Bruno Hellendorff, chercheur au GRIP, le Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité, à Bruxelles. Selon lui, les partenariats commerciaux entre la Chine et l'Afrique sont inégales au départ.
Auteur: Sandrine Blanchard
Edition: Carine Debrabandère