Il y a 30 ans : les émeutes de Rostock en Allemagne // Vote constitutionnel très débattu au Chili
Nous sommes à Rostock, quartier Lichtenhagen, en août 1992. Un quartier Plattenbau comme on en faisait beaucoup ici et dans toute l'ex Allemagne de l'Est dans les années 70 : des tours, de longs bâtiments, de grands ensembles d'immeubles d'habitation. Depuis des mois des centaines de demandeurs d'asile campent devant les bureaux de la ZAst, un centre d'inscription pour des demandeurs d'asile.
Un centre complètement débordé : la chute du bloc de l'Est a fait exploser le nombre de demandes d'asile, il y en a plus de 1.000 rien qu'à Rostock tous les mois. Beaucoup de personnes venues de Roumanie ou d'ex-Yougoslavie, par exemple, qui doivent parfois attendre plusieurs jours avant de pouvoir déposer les dossiers face à l'affluence. Une situation déplorable à plusieurs titre : aucunes toilettes n'ont été installées par exemple. La ville refuse, de peur d'attirer encore davantage de demandeurs d'asile. Naturellement, rapidement, les riverains se plaignent des nuisances.
Pierres et cocktails Molotov
Le 22 août la situation dégénère. Ce samedi, des milliers de personnes, des habitants en colère, se rassemblent devant le centre d'accueil. Sous les yeux des caméras, certains commencent à s'en prendre violement au bâtiment. Pierres et cocktails Molotov sont jetés sur les locaux de l'administration, mais aussi le bâtiment voisin. Un bâtiment ornés de tournesols, où logent des travailleurs vietnamiens, qui n'ont rien à voir avec les demandeurs d'asile et rien demandé. Les paroles racistes fusent. "Etrangers dehors", c'est le mot d'ordre comme le rappellent les enregistrements diffusés dans ce podcast.
Néonazis de tout le pays
La Police intervient, mais les forces de l'ordre sont trop peu nombreuses. C'est une véritable émeute qui ne sera contenue qu'à l'aube le lendemain matin, après l'arrivée de renforts. Mais déjà d'autres émeutiers, des néonazis venus de toute l'Allemagne, sont là eux aussi. Des milliers d'habitants les applaudissent lorsqu'ils s'en prennent à nouveau aux deux bâtiments, avec des armes de poing, des battes de baseball ou encore des marteaux. Les insultes racistes et xénophobes continuent de pleuvoir. Des policiers sont même attaqués.
Des hommes s'introduisent aussi dans le bâtiment où sont logés les travailleurs vietnamiens. Ils montent jusqu'au sixième étage, terrorisant les habitants, alors que la Police semble aussi impuissante que la veille.
Des dizaines de personnes bloqués dans un bâtiment en feu
Le lundi 24 août, la tension n'est pas redescendue. Le centre d'enregistrements des demandes d'asile est évacué dans l'après-midi. Ce n'est pas le cas du bâtiment aux tournesols voisins, où logent les personnes vietnamiennes. Ce bâtiment est bientôt pris pour cible. Un incendie se déclare à l'intérieur. Les 120 résidents bloqués dans le bâtiment ne peuvent plus en sortir. On bloque l'accès aux pompiers qui ne peuvent intervenir. Les résidents vietnamiens tentent de s'échapper de l'immeuble en flammes via une porte donnant sur le bâtiment d'à côté, sans succès.
Finalement, avec un pied de biche, ils arriveront à se réfugier sur le toit. Les cris racistes continuent depuis le bas. Près d'une heure et demi après leur arrivée, les pompiers accèdent enfin aux bâtiments et peuvent éteindre l'incendie. Les travailleurs vietnamiens, des hommes et des femmes, seront évacués dans la nuit.
Peu de condamnations
Les images font le tour du monde. Beaucoup qualifieront les faits comme les actes racistes les plus importants en Allemagne depuis la fin de la seconde guerre mondiale. C'est "le moment où la terreur d’extrême droite a fait son grand retour en Allemagne”, écrit encore cette semaine, 30 ans après, la presse allemande. L'année d'avant, la ville d'Hoyerswerda, en Saxe, avait déjà connu des émeutes similaires. Les semaines d'après, d'autres villes seront touchées, d'autres centres attaqués. Mais les images de Rostock restent dans toutes les têtes.
La suite sera politique : le droit d'asile sera réformé, plus encadré, restrictif. Les auteurs des violences ne seront pas beaucoup inquiétés. Les procédures prendront des années. Moins de cinquante personnes seront condamnées, seules trois incarcérées, pour trois ans au maximum.
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Pour ou contre la nouvelle constitution chilienne ?
En seconde partie de ce podcast, le reportage international de Vu d'Allemagne, nous emmène au Chili, à quelques jours du référendum du 4 septembre. Référendum pour ou contre la nouvelle constitution, un nouveau texte pour remplacer celui écrit sous la dictature de Pinochet. C’était l’une des demandes faites par les Chiliens au moment de la crise sociale de 2019 : en finir avec la constitution actuelle ultra libérale où les droits sociaux sont privatisés.
Le nouveau texte, écrit par des représentant élus, établit que c’est l’État qui devra prendre en charge l’éducation, la santé ou encore les retraites. Il garantit aussi la parité entre les femmes et les hommes ou encore la protection de la nature. Considéré comme "novateur" par plusieurs experts il ne fait pourtant pas l’unanimité au Chili. Naïla Derroisné a rencontré à Santiago les partisans des deux blocs qui s’affrontent.