Nouvelle zone d'action des djihadistes en Afrique de l'Ouest
10 mai 2019Les forces spéciales françaises ont libéré quatre otages, deux Français, une Américaine et une Sud-coréenne, au cours d'une intervention dans le nord du Burkina Faso, dans la nuit de jeudi à vendredi. Des otages qui avaient été enlevés le 1er mai dernier dans le parc de la Pendjari, au Bénin. Le corps de leur guide béninois avait déjà été retrouvé dans ce même parc, samedi 4 mai. Des enlèvements qui sont une première pour le Bénin.
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Déploiement progressif
"C'est inédit dans ce pays", confirme ce vendredi André Bourgeot, anthropologue, directeur de recherche au Centre nationale français de la recherche scientifique et spécialiste de l'espace saharo-sahélien. "Pour autant on avait remarqué depuis longtemps que les groupes, notamment du Mali, s'étaient déplacés", explique Lori-Anne Théroux-Bénoni, directrice du bureau de l'institut d'études de sécurité (ISS) pour l'Afrique de l'Ouest, le Sahel et le bassin du lac Tchad. Des groupes qui sévissent notamment au Burkina Faso depuis plusieurs mois. L'ISS comptait pas moins de 60 attaques, rien que dans l'Est du Faso, en février dernier.
Le Bénin se savait aussi exposé. Dès le mois de juillet l'an dernier, un secrétaire permanent était nommé en conseil des ministres, pour lutter contre l'extrémisme violent. Fin novembre et début décembre, les soldats béninois avaient aussi mené une large opération antiterroriste dans le Nord du pays.
Apporter une réponse militaire ...
Depuis plusieurs années, les gouvernements nationaux et les institutions internationales tentent d'endiguer le phénomène, notamment via des actions militaires. La mise en place du G5 Sahel -entre le Mali, la Mauritanie, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad- découle notamment de la mulitplication des attaques. "Mais les actions engagées jusqu'à présent n'ont eu que des succès ponctuels", estime André Bourgeot. Il pointe du doigt "l'absence de conception politico-militaire susceptible d'enrayer le mouvement djihadiste" à long terme.
Les spécialistes évoquent même "une absence de volonté politique". Les groupes djihadistes s'appuient notamment sur leur connaissance des populations locales, parfois délaissées par les Etats, pour se déployer. "Et puis les armées nationales ne sont pas assez formées", estime l'anthropologue André Bourgeot.
... Mais pas que
De son côté, comme d'autres, Lori-Anne Théroux-Bénoni pointe du doigt l'absence de véritables politiques publiques dans certaines régions. "Ce sont parfois ces groupes armés qui fournissent les services sociaux de base", raconte-t-elle. Dans un long travail de recherche, publié il y a plusieurs mois déjà, l'ISS notait des efforts du gouvernement béninois, dans l'éducation par exemple. "Mais les populations expriment des besoins (...) précis tels que le désenclavement de leurs zones à travers la construction de ponts et de routes, l’accès à l’eau potable (...)", écrivait Michaël Matongbada de l'Institut.
Ce vendredi, le président burkinabè a répété sa volonté de "lutter contre les forces du mal".
Vous pouvez écouter l'intégralité de l'analyse d'André Bourgeot, en cliquant sur l'image en haut de cet article.