Le président turc en Allemagne pour parler... Europe ?
20 septembre 2011Au programme d'Abdullah Gül ce mardi, une rencontre avec Angela Merkel dans la matinée et la visite d’Osnabrük, ville d’origine du président allemand Christian Wulff. Lundi soir, le chef de l'Etat turc a maintenu son discours sur l’Europe malgré une alerte à la bombe, qui a retardé le début de son intervention, dans une université de la capitale allemande.
La visite en Allemagne d’un président turc est toujours un événement. L'Allemagne est en effet la principale terre d'émigration turque, avec les 2 millions et demi de ressortissants qui ont élu domicile en République fédérale – et les deux pays entretiennent de fait une relation privilégiée... mais pas toujours sans anicroche.
Adhésion ou partenariat?
L’un des points qui continuent d’achopper entre les deux gouvernements, c’est justement la position de la Turquie vis-à-vis de l’Union européenne. Abdullah Gül a réaffirmé à Berlin sa volonté d'en être, tandis qu’Angela Merkel continue de refuser l'adhésion turque, tout en clamant que l’Allemagne tenait à garder ses liens politiques avec la Turquie.
Abdullah Gül ne veut cependant pas entendre parler du « partenariat privilégié » proposé par Berlin : la Turquie a multiplié les efforts pour remplir les conditions posées par Bruxelles. Maintenant, pour Ankara, la balle est dans le camp des 27 – et de l’Allemagne – pour remplir leur part du contrat et engager des pourparlers de rapprochement. Abdullah Gül voit son pays comme un « multiplicateur stratégique » possible de l’UE. Le président allemand, Christian Wulff, se montre plus conciliant que la chancelière et il estime que les résultats des discussions avec la Turquie sont « ouverts ».
Une majorité de la population est musulmane
Le gouvernement allemand, majoritairement chrétien-démocrate, renâcle à voir se rapprocher ce grand pays gouverné par un parti ouvertement musulman, fût-il relativement modéré comme l'AKP. Un pays qui a, qui plus est, des rapports tendus avec sa minorité kurde. D’ailleurs, les conditions d’admission sur le territoire allemand ont été renforcées ces dernières années et, même pour un regroupement familial, les Turcs doivent passer des tests d’allemand assez pointus avant d'obtenir un visa.
Berlin craint l'escalade des tensions avec Israël
Autre dossier abordé par Abdullah Gül et la chancelière Angela Merkel : les tensions actuelles entre la Turquie et Israël. Ces tensions diplomatiques mâtinées de menaces à peine voilées et réciproques, inquiètent fortement Berlin, allié de l’Etat hébreu.
Pourtant, en ce moment, la Turquie est effectivement un acteur de poids aux Proche- et Moyen-Orient. Elle est même en train de se profiler comme modèle dans les pays arabes, en tant qu'Etat qui est parvenu à allier islam et démocratie.
Un grand marché
L’essor économique de la Turquie, avec sa croissance à 10%, est aussi un point positif, puisqu'elle offre des débouchés intéressants pour les produits et les services européens, dans le secteur de l’énergie par exemple.
L'Allemagne a donc besoin de la Turquie comme la Turquie a besoin de l’Allemagne. Et les deux Etats auraient tout à gagner d’envisager quelque compromis en vue d’une union, si ce n’est de cœur, au moins de raison.
Auteur : Sandrine Blanchard
Edition : Konstanze von Kotze
Pourquoi la Turquie veut-elle adhérer à l'Union européenne ? Comment expliquer la réticence de Berlin ? Ecoutez ci-dessous l'analyse de Sabine Freizer, directrice du Programme Europe à l'International Crisis Groupe. Elle est au micro de Katrin Herms.