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Biya, 42 ans au pouvoir et pourquoi pas un nouveau mandat ?

Henri Fotso
6 novembre 2024

"L'homme lion", qui aura 92 ans en février prochain, n'est pas une exception au sommet de l'état. D'autres hauts responsables sont aussi très âgés.

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Le président camerounais, Paul Biya
Paul Biya est arrivé au pouvoir au Cameroun le 6 novembre 1982Image : Patrick Kovarik/AFP/Getty Images

Les commémorations des 42 ans de magistrature suprême du président camerounais ont commencé le week-end dernier sur fond d'appels à une nouvelle candidature en 2025 : "J'irai dire à Etoudi, comme Molière dirait à Rome, que le Sud demande au président Paul Biya d'être candidat à la prochaine élection. Cette conclusion est, du reste, conforme à l'article 27 alinéa 3 des statuts du parti majoritaire."

Cette promesse est du ministre Jacques Fame Ndongo, secrétaire à la communication du RDPC, le parti de Paul Biya, au pouvoir depuis le 6 novembre 1982. C'était samedi dernier à Ebolowa, à l'occasion d'une énième projection publique d'un film documentaire qui vante les mérites du chef de l'Etat et fait le tour du pays depuis quelque temps. 

Le même message a été entendu dans les Bamboutos, à l'Ouest, plus précisément de la bouche du ministre Emmanuel Nganou Djoumessi. D'autres meetings à travers le Cameroun, marquant la célébration des 42 ans au pouvoir de l'homme du 6 novembre, se déroulent aujourd'hui, jour anniversaire, sur ces mêmes sons de cloche.  

Un président dépassé

Les appels, comme celui du ministre Jacques Fame Ndongo, à une sixième candidature de Paul Biya en 2025, ne plaisent pas à l'avocat et homme politique, Joseph Lavoisier Tsapy, membre du parti d'opposition SDF.

"Paul Biya est un monsieur fatigué, épuisé" (Joseph Lavoisier Tsapy)

"Ce n'est pas quelque chose qui nous honore. Le Cameroun a le malheur d'avoir le plus vieux chef d'Etat en fonction vivant dans le monde. C'est quelque chose d'incroyable. De par son âge, presque 92 ans aujourd'hui, et de par la longévité au pouvoir, 42 ans, Paul Biya est un monsieur fatigué, épuisé. C'est un monsieur qu'on peut dire, entre guillemets, fini. Donc, comme il aime laisser que les choses pourrissent, il voudrait que le Cameroun pourrisse avec lui."

De l'avis de cet homme politique, le président de la République ne semble pas avoir pris des prédispositions pour que le Cameroun ait une transition pacifique par les urnes. Depuis 1992, indique-t-il, les Camerounais sont habitués aux bourrages des urnes, à l'intimidation, aux achats des consciences, à la corruption électorale et à des fraudes de toutes sortes.  

Le phénix qui renaît sans cesse

Donné mort en 1984 lors d'un coup d'Etat manqué, en 2004 lors d'un séjour anormalement long à l'étranger, en 2020 lors de la crise de la Covid-19, et tout récemment lors d'une autre trop longue absence de 50 jours, le "phénix" du Palais d'Etoudi pourrait donc encore être candidat à sa propre succession, en 2025.

Il reste accompagné au sommet de l'Etat par d'autres gérontocrates tels que le  président du Sénat, Marcel Niat Njifenji, 90 ans, le président de l'Assemblée nationale, Cavaye Yeguie Djibril, 84 ans, ou encore le président du Conseil constitutionnel, Clément Atangana, 83 ans.

Pour autant, Joseph Lavoisier Tsapy estime que le pays menace de basculer dans la violence après Paul Biya et ses compagnons :

"Je vois que le président Paul Biya n'est plus apte à organiser une transition démocratique et passer le pouvoir. Il ne le peut plus. Ses forces l'ont quitté. Il n'a plus cette possibilité-là. Même remplacer un ministre, Paul Biya ne le peut pas. Ceux qui sont là, sont là depuis 2018. Des scandales sont sortis, des ministres sont morts comme le ministre des Mines, des secrétaires d'Etat sont morts (le secrétaire d'Etat à la Santé, le secrétaire d'Etat à l'Agriculture), on ne les a pas remplacés. Ce sont des situations inquiétantes pour le Cameroun."

Le RDPC confiant 

Au-delà des appels lancés depuis le week-end dernier et qui se poursuivent, l'autre indice d'une probable candidature de Paul Biya, en 2025, c'est le déclin des rallyes pour une candidature de son fils, Franck Biya, qui ont traversé le Cameroun jusque dans la diaspora ces deux dernières années.

Armand Belinga, président de la sous-section du parti de Paul Biya à Fibot, dans le sud du pays : "Il ne suffit pas de dire que c'est quelqu'un qui se doit de prendre sa retraite. Qui est-là, que vous puissiez désigner aujourd'hui et qui puisse faire l'affaire ? Nous pensons, dans le RDPC, qu'il est le seul joueur qui nous tienne encore en vue. Alors, pour le moment, nous ne trouvons pas qu'il puisse être remplacé. Ceux qui pensent que le président Biya est fatigué, alors, moi, je leur donne rendez-vous à l'élection 2025, d'ici quelques mois."

Le 42e anniversaire de magistrature suprême du nonagénaire Paul Biya semble donc ouvrir une campagne pour son investiture en 2025. Ce qui attise les inquiétudes de certains observateurs qui redoutent de possibles violences.

Le 28 octobre dernier, vers trois heures du matin, plus de 3.000 munitions de guerre à destination de Yaoundé ont ainsi été saisies par la douane camerounaise, près de Ngaoundéré, dans le nord du pays.

 

 

Vue arienne sur un carrefour de Douala la nuit
Henri Fotso Correspondant au Cameroun pour le programme francophone de la Deutsche Welledwfrancais