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PolitiquePérou

Le président destitué du Pérou reste en prison

14 décembre 2022

Des manifestants réclament la libération de Pedro Castillo dans l'ensemble du Pérou. La répression a déjà fait plusieurs morts.

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Portrait du président péruvien destitué Pedro Castillo
Les manifestations continuent au Pérou pour réclamer la libération de Pedro CastilloImage : JAVIER TORRES/AFP

L'ancien président péruvien Pedro Castillo reste en prison. Et ce malgré la pression qui augmente dans la rue pour réclamer sa libération. Un tribunal a déclaré "infondé le recours en appel introduit par la défense" du président destitué. Le parquet réclame que Pedro Castillo soit condamné à 18 mois de détention préventive. 

Que s'est-il passé ces derniers jours ?

Le président Pedro Castillo a été destitué la semaine dernière par le Parlement. Il a été placé en détention préventive pour sept jours, soupçonné de rébellion et de vouloir déstabiliser l'ordre constitutionnel. Sa libération devait survenir aujourd'hui mais ses juges en ont décidé autrement. 

Entretemps, Dina Boluarte a été investie à la présidence de la République. Elle a présenté son équipe gouvernementale samedi dernier.

Un manifestant péruvien poursuivi par des forces de l'ordre armées de matraques
La répression des manifestations a déjà fait plusieurs victimesImage : Martin Mejia/AP/picture alliance

Des manifestations ont alors éclaté à travers le pays, réprimées dans la violence. Plusieurs manifestants sont morts ou ont été grièvement blessés dans des heurts avec les forces de l'ordre. 

Dans la région Apurímac, l'aéroport de la ville Andahuaylas a été partiellement incendié par les manifestants, lundi, et l'aéroport de la deuxième ville du pays était bloqué. Et ce en dépit de la proposition faite par la présidente d'avancer les élections de 2026 à avril 2024.

Plusieurs régions ont été placées sous état d'urgence.

Pourquoi Pedro Castillo a-t-il été destitué ?

Le gouvernement de Pedro Castillo a été mis sous pression depuis l'entrée en fonction de cet ancien instituteur de village, en juillet 2021. Suite à diverses tensions internes, des ministres importants ont quitté le gouvernement. 

Il y a deux semaines, Pedro Castillo avait dû nommer une nouvelle cheffe de gouvernement – la cinquième Premier ministre en à peine un an et demi.

Le Pérou est secoué depuis des années par des troubles politiques. Comme pour certains de ses prédécesseurs, le mandat de Pedro Castillo a été marqué par une lutte permanente pour le pouvoir avec le Parlement, majoritairement conservateur. Celui qui était encore président a alors fait l'objet d'une enquête, soupçonné de corruption et de plagiat.

Depuis son entrée en fonction, le chef d'Etat controversé avait déjà survécu à deux procédures de destitution. Peu avant la troisième procédure de destitution engagée contre lui, il a fait savoir mercredi dernier qu'il allait dissoudre le Parlement et faire élire de nouveaux députés.

Pedro Castillo a instauré un couvre-feu nocturne et a déclaré vouloir gouverner temporairement par décrets, c'est-à-dire de son propre chef, sans consulter le Parlement. 

De nombreux députés ont considéré cela comme une tentative d'éviter une motion de censure voire même comme un coup d'Etat. Au Congrès, les députés se sont prononcés à une large majorité en faveur de la destitution de Pedro Castillo en raison de son "inaptitude morale permanente".

Des manifestants péruviens le 11 décembre à Lima
La mobilisation populaire continue au PérouImage : ALESSANDRO CINQUE/REUTERS

Pourquoi les manifestants réclament-ils le retour de Pedro Castillo ?

Les personnes qui sont descendues dans la rue depuis la destitution de Pedro Castillo demandent entre autres la démission de Dina Boluarte, la tenue rapide de nouvelles élections et la libération du président déchu. 

Ancien syndicaliste, Pedro Castillo avait pris ses fonctions en juillet 2021 en promettant de mettre en œuvre une réforme agraire d'envergure et de mener une politique sociale en direction des plus pauvres.

Les agriculteurs et les indigènes en particulier n'ont guère pu profiter de la croissance économique de ces dernières années. Et la crise liée à la Covid-19 a fait se dégrader la situation. Pourtant, Pedro Castillo continue de bénéficier de larges soutiens à gauche, dans les milieux ouvriers et ruraux, notamment dans la région andine.

Une manifestante a déclaré dimanche à l'AFP que Dina Boluarte ne représentait pas le peuple, que la nouvelle présidente n'avait pas été élue. Comme cette protestataire, de nombreux Péruviens estiment que Dina Boluarte est arrivée au pouvoir de manière illégitime. 

Toutefois, ayant été vice-présidente de Pedro Castillo, la Constitution péruvienne prévoit bien que ce soit elle qui lui succède en cas d'empêchement.

Un autre manifestant a déclaré dimanche à l'agence de presse AP : "Nous ne sommes pas des communistes ou quoi que ce soit de ce genre. Nous sommes le peuple organisé qui veut une nation exempte de corruption, qui nous permette de sortir de ce sous-développement, de ce colonialisme dans lequel nous continuons à vivre".

Le Parlement, à majorité conservatrice, est réputé corrompu. De nombreux Péruviens en ont assez des jeux de pouvoir entre l'exécutif et le législatif. Deux prédécesseurs du président Castillo avaient payé leurs tensions avec les députés de leur éviction.

Et maintenant ?

Les prochaines élections, au cours desquelles le pays doit à la fois renouveler le Parlement et choisir un nouveau chef d'Etat, auraient dû avoir lieu en 2026. La présidente Boluarte, qui a prêté serment la semaine dernière, souhaite désormais présenter un projet de loi au Congrès afin de pouvoir avancer les élections à 2024. 

Concernant le népotisme et l'instabilité de la politique péruvienne, le politologue Alberto Vergara a exprimé des doutes, dans le quotidien espagnol El País, quant à la capacité qu'aurait la destitution de Pedro Castillo à résoudre ces problèmes et à faire évoluer le pays vers davantage de transparence et de probité.