Présidentielle sous tension
17 juin 2012Favorable à Ahmed Chafik, ou à Mohamed Morsi, l'issue du second tour de l'élection présidentielle qui s'achève ce dimanche va exacerber des tensions déjà très fortes. Malgré les fraudes dont les deux camps s'accusent, les observateurs n'ont signalé que des incidents mineurs après la première journée du scrutin, samedi, qui s'est globalement déroulé dans le calme. Si une altercation entre vendeurs de rue au Caire a dégénéré en fusillade dans la nuit de samedi à dimanche, faisant 2 morts, l'incident ne semble pas lié à l'élection.
Ancien commandant en chef de l'armée de l'air et dernier chef du gouvernement d'Hosni Moubarak, Ahmed Chafik, 70 ans, a fait campagne sur la stabilité, chère à de nombreux Égyptiens après plus d'un an d'une transition politique chaotique. Il est soutenu par la communauté chrétienne copte qui craint une islamisation du pays en cas de victoire de son rival. Celui-ci, Mohamed Morsi, ingénieur de 60 ans, a surtout cherché à gommer son image d'islamiste conservateur et se présente comme le seul recours contre un retour de l'ancien régime.
Ce duel politique désarçonne de nombreux électeurs qui se sentent contraints de devoir choisir entre Charybde et Scylla ou de se réfugier dans l'abstention. La tension intérieure est montée d'un cran samedi avec l'annonce officielle, en plein milieu du second tour, de la dissolution du Parlement par le Conseil suprême des forces armées. Une décision prise dans le sillage de l'arrêt de la Haute cour constitutionnelle de jeudi dernier qui annulait en raison d'un vice juridique dans le mode de scrutin, les dernières législatives qui se sont tenues par étapes de novembre 2011 à janvier 2012.
Les Frères musulmans, désormais privés d'une institution où ils disposaient de près de la moitié des sièges, accusent le Conseil militaire de perpétrer un coup d'état silencieux. Ils réclament que la question de la dissolution du Parlement soit réglée par un référendum. Et puis, l'Égypte n'a toujours pas de constitution pour remplacer celle suspendue après le départ de Hosni Moubarak.
Dernière inquiétude : l'armée vient d'obtenir de nouveau le droit d'arrêter des civils, une mesure vivement dénoncée par les organisations de défense des droits civiques qui l'assimilent à une forme de "loi martiale". Selon de nombreux analystes, ces deux mesures permettront à l'armée de rester maître du jeu, quelle que soit l'issue de la présidentielle. Les premiers résultats officieux de ce scrutin pourraient être annoncés dans la soirée.