RDC : la Cour constitutionnelle est-elle impartiale ?
8 janvier 2024En République démocratique du Congo, d’est seul et avec un large dossier que Théodore Ngoy, candidat malheureux ayant terminé dernier à l’élection présidentielle, a livré un réquisitoire d’une heure et demie aux neuf juges de la Cour constitutionnelle à Kinshasa : "J’ai demandé à la Cour, en tant que juge de la régularité, de constater les irrégularités qui sont manifestes."
Alors que la quasi-totalité des opposants ont refusé de déposer un recours devant la Cour constitutionnelle, qui a la responsabilité de la validation des candidatures à l’élection et du scrutin lui-même, Théodore Ngoy est le seul à avoir voulu aller au bout du processus.
Il explique que "c’est toujours devant cette Céni que nous tous avons déposé nos candidatures. C’est devant cette Cour constitutionnelle que nos candidatures ont été confirmées. Donc c’est devant cette Cour que nous devons dénoncer. Sans exclure la voix de la rue."
Les autorités ont répété aux différents candidats la seule contestation valide serait celle formulée devant ce qui était autrefois appelé la Cour suprême.
Des juges nommés par le pouvoir
Une option que les autres opposants avaient vite balayée. Quelques heures avant la publication des résultats provisoires par la Céni, ils accusaient les juges d’être à la solde du pouvoir. "Cette Cour n’est pas indépendante, a fustigé Martin Fayulu, qui a terminé en troisième position, vous avez suivi le président de cette Cour qui congratulait Mr. Kadima et la Céni."
Une critique qui est souvent faite à l’égard des juges de la Cour et ce depuis l’ère Kabila. "ls sont les juges du président et du Premier ministre", informe le professeur en Sciences politiques à l’université de Liège, Bob Kabamba.
Raison de plus pour se les mettre impérativement dans la poche. Avec un tiers de ses membres nommés par le président, un autre tiers par les magistrats, eux-mêmes nommés par le président, et enfin le dernier tiers par le Parlement, dont la majorité est favorable au président, et bien des doutes peuvent planer quant à l’impartialité des juges.
Décisions attendues cette semaine
"La Cour peut manquer d’objectivité et peut travailler en toute partialité lorsqu’il s’agit des enjeux fondamentaux qui touchent le régime en place", analyse Bob Kabamba. Pour lui, "la Cour ne peut pas annuler ce scrutin, bien que ce scrutin soit entaché d’irrégularités. Si c’était le cas, cela voudrait dire que le régime en place est en difficulté et je vois mal la Cour aller à l’encontre des intérêts du pouvoir."
Si les décisions concernant ces requêtes sont attendues le 12 janvier au plus tard, il reste à savoir si les juges valideront ou non les dernières décisions prises par la Céni concernant l’annulation des élections de 82 personnalités à différents postes. Ce qu’une poignée d’entre eux contestent. Mais, selon un observateur qui a préféré rester anonyme, "la Céni et la Cour suprême parlent le même langage".