Strasbourg envoie un mauvais signal
1 juin 2011Ce jugement est une surprise, une surprise qui va probablement réjouir le Kremlin, commente la Süddeutsche Zeitung. Le destin de Khodorkovski, qui a dû subir deux procès absurdes à Moscou, fait des vagues jusqu'en Occident. De nombreux politiciens se sont engagés en sa faveur, Amnesty International l'a même inscrit sur sa liste de prisonniers politiques.
Et soudain, contre toute attente, la Cour européenne de Strasbourg juge qu'il manque de preuves pour démontrer que la politique a influencé son procès. C'est une catastrophe pour Khodorkovski et pour les droits de l'Homme en Russie. Et à en croire le quotidien, avec ce jugement, la Cour a porté un coup dur à sa propre réputation.
Pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung, on peut comprendre la colère des militants russes des droits civiques, car ils craignent que l'appareil d'Etat n'y voit une invitation et une légitimation pour de futures procédures contre des opposants. Et ce qui est particulièrement énervant avec ce jugement, c'est qu'il survient à un moment où, en Russie, même les médias proches du pouvoir parlent ouvertement du caractère politique de cette affaire.
Die
tageszeitung voit tout de même une "petite victoire" dans la décision de la Cour, la Russie ayant étant condamnée à payer 10.000 euros pour dommage moral, en raison des conditions d'interpellation et de détention infligée à l'homme d'affaire. Et le journal rappelle : chaque jour, en Russie, des prisonniers sont exhibés dans des salles d'audience comme des animaux en cage. Dans des taules surpeuplées et crasseuses, ils expient leurs crimes au prix de leur santé ou de leur vie.Ce sont justement ces pratiques indignes que le jugement de la Cour européenne remet en pleine lumière, des pratiques qui sont une insulte pour un Etat de droit. En cela, le jugement va bien au-delà du cas Khodorkovski. Peut-être donnera-t-il le courage à d'autres personnes concernées, en Russie, de prendre le chemin de Strasbourg.
Auteur : Sébastien Martineau
Edition : Konstanze von Kotze