La Turquie juge les putschistes de 1980
4 avril 2012L’émotion était grande devant le palais de justice d’Ankara. Une foule immense s’y est réunie pour l’ouverture de ce procès symbolique. Parmi ces militants se trouve Huseyin Yılmaz. À l’époque membre d’un groupuscule de la gauche radicale, il a été incarcéré et torturé dans la foulée du coup d’État.
« Ce coup d’État a laissé des traces dans nos têtes, à tous. Les deux plus belles années de ma vie m’ont été volées. Il n’y a qu’une seule chose qu’ils n’ont pas réussi à prendre : ma liberté de penser. »
Comme Husseyin Yılmaz, 650.000 personnes ont été arrétées apres le putch de 1980. Les partis politiques et syndicats ont été dissous, leurs chefs emprisonnés, l'Assemblée nationale fermée, plus de 900 publications interdites. Cinquante personnes ont été condamnées à morts et exécutées. Cumhur Yavuz a lui aussi été condamné à mort pour ses activités de militant… avant d'être libéré. Ce procès est pour lui un moment fort :
« Ceux qui étaient légitimes hier sont aujourd’hui des hors-la-loi. Ces deux hommes sont reconnus par la société comme les responsables de nos souffrances. Nous ne cherchons pas la vengance. Nous devons simplement faire notre travail de mémoire pour assurer la paix sociale et regarder l’avenir avec espoir. C’est en cela que ce procès est important. »
Poursuivre les responsables d'actes de torture
Alors que les auteurs du coup d’État ont été protégés durant 30 ans par la Constitution, il se dégage aujourd’hui un réel consensus sur ce procès. Le gouvernement et la plupart des partis politiques se sont portés partie civile. Mais pour les victimes, le dossier est incomplet car seuls deux hommes sont aujourd’hui poursuivis. Pour Huseyin Yilmaz, qui a passé deux années en prison sous la torture, l’ensemble des bourreaux doivent payer :
« Nous avons identifié les noms de milliers de nos tortionnaires. On entend dire qu’ils seront jugés eux aussi. Oui bien sur, ils seront jugés un jour. Mais en réalité, la société les a déjà jugés depuis longtemps. Ils se font déjà tout petits. »
Autre étape de taille dans ce travail de mémoire effectué par la société turque : les députés planchent sur une nouvelle Constitution afin de remplacer l’actuel texte, hérité lui aussi du coup d’État de 1980.
Auteur : Delphine Nerbollier
Édition : Kossivi Tiassou